31 mars 2009
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Points policier, mai 2007, 288 pages, ISBN 9782757803059
C'est le troisième volet des enquêtes du commissaire Habib, un peu un Maigret africain... Beaucoup de flair, de psychologie et de philosophie.
Présentation de l'éditeur : Au cœur du pays Dogon, une série de morts bizarres alerte les autorités maliennes. L'affaire est délicate : les Dogons, très attachés à leurs traditions, vivent en marge de la société et sont redoutés pour la puissance de leur magie. Le vieux commissaire Habib, à la sagesse et au flair légendaires, est envoyé sur place. Mais le village entier se tait obstinément, et un étrange sorcier à tête de renard veille au respect absolu de
l'omerta...
L'intrigue commence chez les Dogons. D'emblée, le ton est donné : amour, trahison, mort, honneur... On est plongé au coeur de l'Afrique des traditions ; tout est consommé, le mystère s'installe.
Puis, changement de décor : Bamako, pas très loin du pays Dogon et en même temps à des années lumières de cet univers inchangé depuis des siècles. Bamako, c'est la modernité, les voitures, les embouteillages, des policiers avec leurs petits tracas d'hommes modernes. Ici, l'affaire arrive comme étouffée dans les bureaux du ministère. Y a-t-il vraiment eu crime, pourquoi, comment ? On ne nous dit pas tout...
Dès cet instant, les personnalités du commissaire Habib et du jeune inspecteur Sosso commencent à se dessiner : un Maigret africain avec un associé jeune et fougueux, chargés de l'enquête, ils partent au pays Dogon.
Retour dans l'ambiance de magie de l'Afrique profonde avec sorciers et croyances, malédictions et tabous. Le personnage énigmatique et inquiétant du « chat » et les fameuses empreintes du renard entrent en scène.
L'irrationnel règne en maître. Pour comprendre les Dogons, il faut se mettre à penser « Dogon » ; ce sera là la force de Habib qui comprend que les gens de la falaise n'obéissent pas aux mêmes lois que les autres hommes ; c'est la coutume et les ancêtres qui décident ; alors, peu à peu la solution se fait jour conforme à la philosophie du récit.
J'ai aimé cette belle fable, les joutes verbales entre Habib et les anciens, son respect des coutumes et son désir de légalité, la tradition contre les lois, les anciens contre les modernes.
Le roman permet aussi d'entrevoir un pan des mystères Dogons avec la présence du Hogon, de la Togouna et du renard (cher à Marcel Griaule) dont les empreintes prédisent l'avenir. Un polar avec un zeste d'ethnographie et une pincée de modernité.
L'écriture est limpide et agréable. C'est vrai que l'enquête démarre doucement mais elle nous emporte alors complètement. On connaîtra quelques moments de peur, l'intrigue est bien développée.
J'ai aussi apprécié la description de la personnalité du commissaire Habib et la fougue brouillonne de son jeune adjoint Sosso. On rit parfois à ses dépens.
La fin est à l'image de cette enquête, inattendue et pleine de leçons et d'interrogations sur les contradictions d'un continent fascinant...
Cette chronique de lecture est originellement parue le 13 mars dans Orient Express, blog sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de Sarawasti.