20 août 2009
4
20
/08
/août
/2009
07:09

J'ai lu que Qui a tué l'ayatollah Kanuni ? était le premier roman policier iranien. En fait, Naïra Nahapétian a quitté l'Iran lorsqu'elle avait 9 ans (après la révolution islamique) et, devenue journaliste, elle est retournée régulièrement dans son pays natal. Je dirais donc que c'est un roman policier franco-iranien ! Qu'en pensez-vous ?
Narek Djamshid, le héros du roman, a quitté l'Iran en 1982 dans les bras de son père, Massoud. Il avait 4 ans. Il a vécu à Paris, a étudié l'Histoire, Langues O et, ayant échoué à l'oral de Sciences Po, a décidé de devenir journaliste. Un reportage sur les élections est le but de son voyage en Iran en ce mois de juin 2005. Il a 27 ans et n'y est pas retourné une seule fois en 23 ans, c'est dire s'il ne connaît rien de ce pays et de ses transformations !
Téhéran, c'est 17 millions d'habitants, la pollution, les taxis collectifs, les femmes « qui dissimulent leurs tenues extravagantes sous l'uniforme révolutionnaire », les formules du taarof (« règles compliquées de savoir-vivre, [...] art de l'ellipse permanente »), la Savama (qui a remplacé la Savak, services secrets du Shah), une population hétéroclite, de nombreux étudiants en particulier de sexe féminin, etc.
À Téhéran, le jeune homme loge chez une tante de sa mère, d'origine arménienne, et sur les conseils d'une connaisssance de son père exilée à Paris, il contacte Leila Tabihi, une féministe islamiste qui souhaite se présenter aux élections et « réformer de l'intérieur la condition des femmes iraniennes en s'appuyant sur une réinterprétation du Coran. » (page 21).
Leila doit déposer un dossier à l'ayatollah Kanuni au Palais de Justice (un an qu'elle attend ce rendez-vous !) et Narek l'accompagne mais « Le bureau du juge était grand ouvert. Bizarrement, il n'y avait pas de gardien de la Révolution à l'entrée. [...] Alors que Leila, le visage blème, lui faisait signe de s'éloigner, Narek remarqua un Pasdar abattu dans un coin, recroquevillé sur lui-même. Il recula, pris d'une brusque nausée, [...]. Narek ressentit alors une forte chaleur tandis que les Pasdaran l'attrapaient par l'épaule pour le menotter. » (pages 34-35). Et voilà : qui a tué l'ayatollah Kanuni ?
Leila et Narek sont conduits à la prison d'Evin. « Et lui, qui n'était qu'un étranger, le bouc émissaire idéal... » (page 39). De toute façon, dans la presse, il n'y a rien sur l'assassinat du juge et l'enquête est menée par dessus la jambe...
Des extraits inquiétants du Livre vert de Khomeiny : page 171 (zoophilie) et page 174 (sodomie par le mari des membres de la famille de son épouse. Charmant...).
Une phrase que j'aime bien : « Les bruits qui circulaient étaient de plus en plus romanesques : Téhéran, privée de Tchekhov, avait soif de mélo. » (page 75).
Qui a tué l'ayatollah Kanuni (ce mot signifie en fait législateur, glossaire page 274) est un roman policier totalement différent de ceux que je lis habituellement, il y a l'exotisme et surtout la vie quotidienne à Téhéran. J'ai eu l'impression que la police iranienne n'existait pas : il y a une milice militaire (les Bassidji), une armée régulière (les Pasdarans, gardiens de la révolution) et des services secrets (la Savama) mais finalement pas trace d'une police telle qu'on l'entend et qui mènerait une véritable enquête, surtout que les médias annoncent que l'ayatollah est mort d'un arrêt cardiaque... C'est pourquoi Leila Tabihi et Mirza Mozaffar enquêtent eux-mêmes à leurs risques et péril, entraînant avec eux Narek et le lecteur ! Une agréable découverte !
Cette chronique de lecture est originellement parue le 29 juillet dans La culture se partage, blog sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de Catherine.