Meurtre à l'université, de Batya Gour
Histoires de Michael Ohayon - 2, 1993
Folio policier, mars 2007, 448 pages, ISBN 978-2-070339211
Traduit de l'israélien par Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana
Un crime littéraire !
Comme Pascale a déjà présenté un roman de Batya Gour
(surnommée la P.D. James ou l'Agatha Christie israélienne), je ne vais pas présenter l'auteur. Je peux seulement dire, encore une fois, qu'elle est un vrai écrivain et que certaines
comparaisons ne rendent pas le mérite de son originalité.
Il faut dire que moi aussi j'avais lu comme premier choix Le meurtre du samedi matin (un cas
psychanalytique) mais comme j'ai attendu trop longtemps (plusieurs mois ) pour écrire mon billet j'ai préféré
changer : de titre, mais pas d'auteur car j'avais aimé le livre et le policier, bien attachant et sympa, héros de tous les livres de Batya Gour.
Cette fois, c'est l'université le lieu du crime, en particulier le prestigieux département de littérature de
l'université de Jérusalem, lieu bien connu par l'écrivain car c'est là qu'elle a fait ses études et a travaillé. Et aussi le commissaire Michael Ohayon : il a fait là-bas ses études (chose qu'à
la police, on lui « reproche » souvent, « on n'est pas à l'université ici » répète son chef de temps en temps.
Deux assassinats endeuillent, au cours d'un même week-end, le département. Ohayon qui accompagnait son fils à un
stage de plongée en mer, est par hasard sur les lieux du premier drame : un jeune et brillant assistant de littérature est retrouvé noyé, empoisonné par du monoxyde de carbone volontairement mis
dans ses bouteilles. Il revenait des États-Unis totalement transformé par ce qu'il y avait trouvé, disent ses collègues, qui ne savent pas ce qu'il avait trouvé... La préméditation ne fait aucun
doute. Un autre éminent spécialiste est découvert battu à mort avec un soin particulier mis à le défigurer. Pour le commissaire, nul doute que ces meurtres sont liés. Peut-on, dans certains
milieux, tuer pour d'autres raisons que l'amour, le pouvoir ou l'argent ? Ce n'est pas facile de sortir du lot parmi les poètes et les critiques littéraires (comme l'était aussi Batya
Gour).
On peut dire que Ohayon va pénétrer, comme dans ses précédentes enquêtes, dans un lieu secret, replié sur lui-même,
constitué de codes et d'interdits. Si Ido était un jeune homme aimé de tous, en revanche Tirosh le « maître », le grand poète, était loin de faire l'unanimité, même si pour certains on peut
parler d'« adoration » envers lui. En démêlant l'écheveau complexe des relations, Ohayon s'apercevra que, là comme ailleurs, il a le choix des pistes : entre l'envie, la luxure, le vol et
l'adultère, ou alors est-ce encore autre chose ?
L'histoire est passionnante mais j'ai aimé aussi les autres côtés du livre : la vie en Israël entre colombes et
faucons, entre Juifs de différentes origines, Tirosh venait de l'Europe orientale, Ohayon du Maroc, d'autres sont nés en Israël. Une société israélienne ou Ohayon se fait l'observateur sensible
et attentif d'une réalité qu'il analyse sans préjugés et sans complaisance.
Très intéressant aussi le côté « littéraire » : on voit quels problèmes éthiques peuvent surgir entre l'artiste et
son œuvre, l'œuvre et le critique, et comment le non-respect d'un certain code moral peut aboutir à un « crime littéraire ».
Un polar qui offre une dimension « intellectuelle » inattendue, on peut presque parler d'un authentique traité
littéraire.
[Une chronique de lecture de Gaspara]