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Suite au défi 'Littérature policière sur les 5 continents' lancé en décembre 2008 sur 'La culture se partage', ce blog - créé le 1er janvier 2009 - centralise les articles concernant ce défi pour en faciliter la lecture et les liens vers les blogs d'origine.

Michel présente L'étoile du diable, de Jo Nesbø

L'étoile du diable, de Jo Nesbø
Gallimard, mars 2006, Folio policier, octobre 2008, 587 pages

À mon avis
Le lecteur aurait intérêt à lire dans l'ordre chronologique les enquêtes de Harry Hole, qui commencent par L'homme chauve-souris (1997, trad. 2002), prix du Meilleur roman policier scandinave en 98. Et à jeter un coup d'œil sur le compte-rendu que Jacques a fait de Rue Sans-Souci (2002/2005), son roman précédent, le quatrième de la série. Pour un aperçu de ses publications, un résumé de L'étoile du diable et une entrevue avec Jo Nesbø, voir ici.

Nesbø est né en 1960 à Oslo. D'abord journaliste économique, surtout connu comme leader d'un groupe pop norvégien de 93 à 98, il s'essaye ensuite à l'écriture avec un succès qui l'étonne lui-même. Malgré un préjugé favorable que je tente d'avoir quand j'aborde un nouvel auteur, dans ce cas-ci, ça a mal commencé : Hole est en voie de décrépitude avancée et, au lieu d'Oslo la belle et de ses paysages féeriques, on a l'impression de croupir dans les bas-fonds de Chicago. Heureusement, un beau meurtre se produit, mystérieux à part ça, et Hole sort un peu de sa torpeur, comme Holmes quand une belle affaire le tirait de la cocaïne. Une femme est tuée d'une balle, apparemment dans sa douche, on lui a coupé un doigt, l'arme est dans la poubelle et, sous sa paupière, on découvre un diamant rouge taillé en étoile.

Avant que le thriller ne décolle pour vrai, on revient sur les événements précédents, chargés d'expliquer un peu la décadence de Hole et la nature de l'affrontement entre lui et Waaler, inspecteur chargé de l'enquête actuelle. Nesbø brosse rapidement quelques aspects de certains personnages secondaires mais récurrents : le chef Moller qui aime bien Hole, le psychologue Aune dont l'humour ne parvient pas à dérider ses collègues stressés, Beate Lonn à la mémoire prodigieuse, la jolie Rakel qui aimerait bien pouvoir vivre avec Harry mais n'a pas l'esprit de sacrifice de Mère Teresa. Ces esquisses sont peut-être suffisantes pour les lecteurs qui connaissent déjà les personnages. Parmi les proches des victimes et les suspects éventuels, quelques figures se détachent sans être très développés, étant donné le nombre considérable de personnages et le fait que Nesbø privilégie le caractère et les manœuvres de Harry.

La force de l'auteur réside d'abord dans le fait de mener avec brio plusieurs intrigues en même temps à des niveaux différents : personnel (Harry et lui-même : vaincra-t-il son alcoolisme ?) ; (Harry et Rakel : revivront-ils ensemble ?) ; professionnel (comment finira son conflit avec Waaler ?) ; criminel (comment relier l'importation de diamants, le trafic d'armes, le pentagramme, les doigts manquants ?). Et dans l'art des rebondissements : alors qu'il reste près de 200 pages, il semble que l'affaire principale soit résolue. Or, c'est à partir de là qu'on ne peut plus lâcher le livre. Il y a quelque chose qui ne colle pas. Tout est remis en question. Puis, les fils se rejoignent, le drame s'intensifie, Harry se déchaîne, le nœud se délie et la lumière jaillit. À ce rythme endiablé s'ajoute un zeste d'allusions sexuelles, plutôt discrètes d'ailleurs mais, après tout, c'est l'été et il fait très chaud à Oslo. Les nombreux retours en arrière ne sont pas trop agaçants ; Nesbø reconstitue une partie du passé d'un personnage pour lui donner plus d'épaisseur, et se sert aussi de cette digression pour ralentir l'action stratégiquement. Il aime jouer avec le lecteur au niveau de la forme comme du contenu (fausses pistes, enchaînements incongrus). Parfois c'est inutile : ne pas identifier deux personnages qu'on nous présente pour qu'on imagine n'importe quoi, ou insérer sans prévenir dans un chapitre, pourtant daté, un épisode qui s'est passé un mois auparavant. Mon collègue l'avait souligné dans son compte rendu : il ne faut pas confondre le mystère et la confusion. Nesbø utilise parfois des ficelles dont il a assez de talent pour pouvoir se passer. Enfin, il ne faut pas chercher à résoudre le problème avant Harry, même si on peut décoder plusieurs indices : on accompagne, en effet, le travail de déchiffrage de l'équipe (surtout Harry), parfois assez subtil, mais les intrigues sont si complexes que même Harry doit finir par demander des explications aux personnes impliquées.

Bref, j'ai beaucoup aimé, même si, contrairement à Nesbø, je ne trouve pas Harry Hole particulièrement sympathique ; mais, pour la complexité, le rythme, les rebondissements et l'intelligence, je ne suis pas loin du coup de cœur.

Ma note: 4,5 / 5

Cette chronique de lecture est originellement parue le 31 janvier dans Polarophiles, site sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de Michel.
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M
 même avis, Hale n'est aucunement sympatique... et il faut lire ses aventures dans l'ordre.Bien aimé ce polar.bonne journéeamitié
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