13 heures, de Deon Meyer
Seuil/Policiers, février 2010, 461 pages, ISBN 978-2020977692
13 UUR (2008) est traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet.
J'ai un peu tardé à lire le dernier roman de Deon Meyer. Parce que j'étais débordé, parce que j'avais un peu peur d'être déçu... Eh bien, contrairement à d'autres fans de cet auteur sud-africain,
j'ai été aussi emballé par 13 heures que par les précédents romans.
05 h 36. Une jeune fille (on apprendra par la suite qu'elle est Américaine) court sur les hauteurs du Cap pour sauver sa peau.
05 h 37. L'inspecteur Benny Griessel est réveillé par son collègue Vusi (Vusumuzi Ndabeni) : le corps d'une jeune fille a été trouvé, égorgée.
07 h 02. Le corps sans vie (abattu de deux balles) d'Adam Barnard est découvert dans son salon. Les cris de la bonne réveillent Alexandra Barnard, qui s'est endormie la veille dans un fauteuil
complètement saoule, comme tous les soirs. Fransman Dekker (un métis) est en charge de l'affaire. Avec Vusi, il fait partie du groupe de jeunes recrues que Benny doit former sur le terrain.
La journée ne fait que commencer pour Benny Griessel. Elle va être éprouvante. D'autant que le soir, à 19 h 00, il doit revoir sa femme après six mois de séparation. Six mois pendant lesquels il
a réussi à ne pas boire une goutte d'alcool.
On retrouve dans ce thriller lancé à toute allure Benny Griessel, flic alcoolique déjà protagoniste du Pic du diable. Unité de temps (13 heures), unité de lieu (Le Cap), Deon Meyer
restreint son champ par rapport à ses polars précédents, mais ne restreint en rien son talent.
La première impression, presque physique, c'est le rythme, la vitesse, l'efficacité absolue. Impossible de lâcher le bouquin, surtout passé la moitié quand la course contre la montre est
clairement lancée. Cela paraît banal, et on peut lire la même chose dans pas mal de thrillers tous venant d'être publiés ici et là. Détrompez-vous, c'est du grand art, du millimétré. Avec cette
trouvaille géniale de faire du protagoniste principal un « mentor » obligé de courir pendant tout le roman d'une affaire à l'autre, d'une urgence à l'autre. Je vous promets qu'on referme le
bouquin aussi fatigués que Benny !
Mais ce n'est pas tout. Deon Meyer ne se « contente pas » d'écrire un thriller de plus, aussi efficace soit-il. Les personnages sont parfaitement définis, touchants dans leurs faiblesses, leurs
peurs, leurs failles, mais aussi leur honneur et leur dignité. La ville du Cap magnifiquement décrite, bien plus que dans les précédents romans qui couvraient (du moins pour les trois derniers)
tout le pays.
J'ai pu lire que Deon Meyer avait sacrifié le côté « sociologique » de ses romans précédents au profit d'un pur thriller. Je ne suis pas d'accord. Ce que l'auteur ne fait pas ici, contrairement
aux romans précédents, c'est faire remonter les racines du mal à l'histoire du pays, à l'époque de l'apartheid. Mais, tout comme dans les précédents, quand on prend le temps de réfléchir à tête
reposée (c'est-à-dire après avoir compulsivement tourné les pages jusqu'à la dernière) on s'aperçoit qu'une fois de plus, en toile de fond, on a toute la situation sociologique d'un pays qui
continue, vaille que vaille, sa reconstruction au sein d'un continent écrasé de pauvreté.
C’est peut-être moins mis en avant que précédemment, mais c'est là, bien présent. Non décidément, toujours aussi fort ce Deon Meyer.
Cette chronique de lecture est originellement parue le 17 mai dans Actu du noir, blog sur
lequel vous pouvez lire d'autres articles de Jean-Marc.