Les soldats de l'aube, de Deon Meyer
Roman traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Robert Pépin
Titre original : Dead at Daybreak
Seuil, janvier 2003, 450 pages, ISBN 2-7028-8091-6
Édité depuis en collection Points
Né à Paarl en 1958, Deon Meyer est un écrivain de langue afrikaans. Son enfance se passe dans une ville minière de
la province du Nord-Ouest, il fait des études universitaires et du journalisme. Sa connaissance intime de ce pays donne à ses romans une toile de fond extrêmement précise et documentée. Ce livre
est son deuxième roman et, il s'illustre dans l'écriture de romans policiers se déroulant en Afrique du Sud. Il a reçu le Grand Prix de littérature policière en 2003 pour cet ouvrage.
Le roman se déroule sur sept jours : du jeudi 6 juillet au jour J, le jeudi 13 juillet, chaque jour correspondant à
une série de chapitres numérotés jalonnant les étapes de l'action ; on dirait les minutes d'un rapport de police, tant la rigueur de la construction narrative accompagne le lecteur dans les
arcanes de cette affaire aux multiples ramifications politiques, historiques, sociales et psychologiques. Le compte à rebours maintient un suspense de plus en plus angoissant dans une ambiance de
plus en plus sanglante alors que l'énigme s'enrichit constamment d'éléments nouveaux.
Les derniers chapitres reproduisent les interrogatoires et les révélations qui auront lieu lors du procès final,
quelques jours plus tard et feront la lumière sur des histoires vieilles de plus de vingt ans, étroitement liées à l'Histoire mouvementée de l'Afrique du Sud.
Le récit de l'enquète policière est entrecoupé par des chapitres à la première personne : il s'agit d'une
introspection exigeante, sans concession, du personnage principal, l'ex-policier 'ZET' van Heerden, tombé très bas au début du roman. Voici l'incipit qui le met en scène :
« Il se réveilla brutalement d'un sommeil détrempé d'alcool, ses côtes qui l'élançaient étant la première sensation
consciente qui lui vint. Puis ce furent, là et là, son œil et sa lèvre supérieure qui avaient enflé, l'odeur de moisi et de produits antiseptiques de la cellule, celle aigrelette, de son corps,
et le goût salé du sang et de la bière rance dans sa bouche.
Et le soulagement. »
Il tente de retrouver son passé, son enfance sensible, libre et artiste pour comprendre ce qu'il est devenu et
exorciser ses démons intérieurs, son alcoolisme et sa déchéance actuelle. Fort compétent autrefois, un ami le recommande pour ses méthodes particulières, fondées sur l'observation et la
psychologie, à une jeune avocate, Hope Beneke, au prénom hautement symbolique (espoir, en anglais). Il sera chargé de retrouver, en tant que 'privé', un testament sans lequel Wilna van As, ne
pourra hériter de son amant assassiné, un certain Johannès Jacobus Smit.
Affaire simplissime, à première vue, mais les circonstances du meurtre (torture à la lampe à souder puis exécution
d'une balle de M6 (ancienne arme de combat), dans la nuque...) et le pillage du coffre-fort qui aurait contenu une fortune en dollars US, entraînent l'inspecteur à démêler les fils inextricables
d'une toile d'araignée terriblement serrée. Sa méthode consiste, entre autres 'trucs', à se mettre dans la peau de l'assassin et à reconstituer l'enchaînement 'logique' des gestes ou des
décisions à partir des faits : il ouvre ainsi des abîmes de perversité. Ceux qui s'y agitent sont capables d'une violence extrême et ne reculent devant aucune atrocité. Les morts sanglantes
s'accumulent sur ces sept jours avec régularité et carnages.
Le passé de 'Zet' est lourd lui aussi de traumatismes et de culpabilité.
Ces deux recherches finiront par se recouper, rendant l'histoire encore plus palpitante.
Un univers plutôt sombre, où l'on s'enfonce dans le glauque, le sordide et la folie, mais où par moments, soit le
souvenir de jours heureux, soit de brèves éclaircies dans le quotidien donnent au lecteur l'impression que l'on pourra sortir de cette spirale. L'évolution de van Heerden vers une plus grande
confiance en lui, vers un équilibre intérieur et une sensibilité assumée, l'influence positive et la présence lumineuse de Hope, la forte personnalité de la mère, l'amitié virile des anciens
collègues contrebalancent la noirceur des composantes de l'enquête et la lie qu'elle décèle au fond de cette histoire.
Approche intéressante des difficultés de l'Afrique du Sud, prise dans la tourmente des partis, des influences
mondiales et des conflits raciaux, des années 1971 à la fin du vingtième siècle.
Importance des médias, des journalistes, de la propagande.
Réflexion sur le processus qui conduit au racisme, à celui qui conduit à le remettre en cause, à trouver
indigne de l'humain, l'apartheid, importance de Nelson Mandela.
Éclairage sur les coulisses de l'Histoire et des histoires individuelles... Plongée dans la complexité des réaction
humaines.
Tous ces aspects rendent plus fort encore ce roman à l'intrigue policière passionnante.
Ce roman africaans de Deon Meyer est le second lu dans le cadre du défi Littérature policière sur les 5 continents.
Cette chronique de lecture est originellement parue le 6 septembre dans Les plaisirs de Mimi, blog sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de
Mimi des Plaisirs.