28 décembre 2009
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Mort en extase, de Ngaio Marsh
10/18, Grands détectives, novembre 1998, 318 pages
Fin des années 70, je m'ennuyais des Agatha Christie et des Conan Doyle lus et relus. Un ami me refila
un roman de la Néo-Zélandaise Ngaio Marsh (1895-1982) : en quelques mois, je traversai ses 32 romans policiers. Ses intrigues sont souvent plus simples que chez ses contemporaines Christie
et Sayers, son Inspecteur Alleyn n'a pas le charisme d'un Poirot ni le génie d'un Nero Wolfe, mais Marsh sait comment raconter une histoire, possède le sens du rythme ; la structure est
classique mais les thèmes et les personnages sont souvent très modernes : dans le roman qui nous intéresse aujourd'hui, par exemple, tout tourne autour d'une secte dirigée par un gourou
plutôt ambigu, certains adeptes sont friands d'héroïne, quelques femmes ont des tendances nymphomaniaques, deux membres de la secte sont homosexuels... Pour un roman écrit en 1936, ces sujets
sont traités de façon très libre et ne sont pas récupérés, à la fin, par un moralisme de bénitier. Ces qualités sont suffisantes pour qu'on s'efforce de sauver Marsh de l'oubli
total.
Née en Nouvelle-Zélande où elle a passé la plus grande partie de son existence (pour une biographie
succincte http://fr.wikipedia.org/wiki/Ngaio_Marsh), les histoires de Marsh se passent surtout en Angleterre. Une partie de l'humour qui teinte l'ensemble des romans vient
justement de ces habitudes et personnages anglais vus et décrits par une Néo-Zélandaise. Son œuvre est couronnée en 1977 par le Prix Edgar Poe des Mystery Writers (pour une bibliographie
détaillée ainsi qu'un résumé de Mort en extase http://www.twbooks.co.uk/authors/nmarsh.html).
Mort en extase (1936) (10/18, 1995) est la traduction de Death in Ecstasy, traduit
aussi parfois par Initiation à la mort. Comme le résumé cité ci-haut est en anglais, je le reprends en quelques mots. Au Temple de la Flamme sacrée, une jolie adepte, Cara Quayne, au
cours d'une communion collective où on se passe le calice pour le remplir mais où seule l'Élue boira le vin, avale le contenu et s'écroule foudroyée. Le journaliste Nigel Bathgate, le Watson de
l'Inspecteur Alleyn, qui fouinait justement par-là, prévient Scotland Yard et l'enquête commence. Chaque chapitre est d'abord consacré à un des adeptes présents à la cérémonie : s'il s’agit
d’un meurtre, chacun est suspect puisque chacun peut avoir versé du poison dans la coupe. Qui est derrière la manœuvre et pourquoi ? Le gourou Garnette particulièrement louche, l'Américain
Ogden très entreprenant, le Français Ravigne élégant et distant, l'inassouvie et jalouse Mme Candour, l'au-delà de tout soupçon Miss Wade, l'énervé et incohérent jeune Pringle, son amie la
bizarre Miss Jenkins, les deux acolytes Wheatley et Smith ?
L'auteur nous fournit un plan détaillé du Temple et une liste exhaustive des personnages.
Interrogatoires, recherches spécifiques sur chaque suspect, reconstitution des déplacements au cours des quelques heures qui précèdent la cérémonie mortelle. Nous sommes en pleine procédure
policière classique où se déploient l'habileté et le sens psychologique d'Alleyn qui, selon sa cible, manie la politesse, le charme, la ruse, la menace, la complicité... Son art consiste à mettre
les gens en confiance pour les faire parler. Bathgate prend des notes et fait des courses, le colossal assistant d'Alleyn, l'Inspecteur Fox, accomplit les tâches secondaires. Une étape importante
de cette procédure classique, c'est l’analyse des témoignages en termes de confirmations et de contradictions, à partir de quoi quelques hypothèses plus précises seront élaborées et quelques
détails vérifiés. Enfin, les suspects seront rassemblés et le coupable dénoncé par la force de la déduction. Mort en extase est fidèle à cette structure à quelques variantes
près.
L'humour est plus présent chez Marsh que chez les grandes anglaises de l'Âge d'Or ; le lecteur
n'oublie donc pas qu'il s'agit d'une fiction. Par contre, le problème initial est bien posé, l'intrigue se déroule avec rigueur, le rythme est un peu lent mais la lenteur fait ici partie du
plaisir, les personnages principaux sont sympathiques et les personnages secondaires sont définis avec soin. Difficile de rivaliser avec Alleyn pour trouver le coupable (ce n'est pas un Ellery
Queen), mais nous participons avec plaisir au dévoilement final.
Cette chronique de lecture est originellement parue dans Polarophiles, blog sur lequel vous pouvez
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