Chat sauvage en chute libre, de Mudrooroo
Asphalte, mai 2010, 165 pages, ISBN 9782918767008
Attention, coup de cœur ! Ce roman a été chaudement recommandé par Claude Le Nocher là. Et comme je suis d'une nature curieuse, je me suis jeté dessus.
Comme c'est un roman australien, cela me permet aussi de finir mon défi pour la Littérature policière sur les 5 continents.
Le narrateur dont on ne connaîtra pas le nom est en prison pour une peine de dix-huit mois. Il a dix-neuf ans, est un métis, moitié aborigène moitié blanc, et va bientôt sortir. Il sort mais sait
très bien qu'il va retourner en prison, alors il va déambuler en ville, et, au gré de ses rencontres va se rappeler les événements passés qui ont forgé sa vie, sa personnalité.
Tout petit, le narrateur a été un enfant modèle, appliquant à la lettre ce que sa mère lui demandait de faire. C'est un métis, né d'une femme aborigène et d'un homme blanc. Sa mère lui a dit de
toujours fréquenter les Blancs, de se comporter comme un Blanc, de toujours être un Blanc. Car c'est la seule solution pour bien réussir sa vie.
Lui a mal interprété ce message, et dès l'age de neuf ans, il vole des vêtements et de l'argent pour que sa mère soit la plus belle. C'est son premier séjour en maison de correction. Il cherche à
s'enfuir, est repris et entre tout doucement dans une spirale infernale où on ne lui donne pas de travail et où le vol devient un moyen de subsistance.
Je ne voudrais pas dévoiler l'intrigue de ce livre tant c'est touchant et moderne. Écrit en 1965, on croirait lire un roman contemporain tant tout y est subtil, intelligent, suggéré, vrai,
réaliste, avec une vraie réflexion sur les peuples dont le rêve est de vivre et qui cherchent à atteindre un rêve que les blancs ne veulent pas partager.
Ce personnage est fort à un point qu’on vit tout ce qu’il traverse, on entre sans problèmes dans sa logique et on finit par comprendre sa démarche pour conduire sa vie. Et il en va de sa relation
avec sa mère, avec les filles qu’il rencontre, avec ses anciens amis, avec sa famille. C'est un être qu'on a éduqué avec des règles qui ne sont pas les siennes, et qui s'est brûlé les ailes à
vouloir un bonheur qui, dès le départ, lui était interdit.
Vous l'aurez compris, ce livre est une visite d'une ville d’Australie, parsemée de flashback pour mieux comprendre son parcours. L'auteur utilise le passage de la première à la troisième personne
du singulier, non pas pour passer du présent au passé mais pour montrer que le narrateur prend du recul par rapport à ce qu'il était, par rapport à ce qu'on lui a appris.
C'est indéniablement un roman fort, avec peu de sentiments, mais avec une psychologie et une narration impeccables. Sur une intrigue simple, Mudrooroo nous tisse un roman profond dans un style
limpide et intemporel. Et à la question : est-ce qu'un chat sauvage en chute libre retombe sur ses pattes ? La réponse est non. C'était écrit, c'était son destin. C'est un coup de cœur de Black
Novel. Un superbe roman noir comme je les aime.
Et comme je l'ai dit plus haut, ce superbe roman constitue mon dernier roman pour le défi de la Littérature policière sur les 5 continents, dont vous pouvez lire les articles là.
Cette chronique de lecture est originellement parue le 4 juillet dans Black novel, blog sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de Pierre.